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vendredi 4 janvier 2013

LA POÉSIE EST ARRIVÉE ET M’A DIT



Un oui ou bien un non, m’ont fait
ouvrir de nouveaux chemins, abandonner des chemins.

Jusqu’à ce qu’une nuit, je tombe sur la Poésie
je passais mon temps à voler d’un côté à l’autre
selon le caprice de mes tendres bien-aimées
qui de l’amour ne savaient que faire l’amour.

La Poésie m’a dit gravement :
Pour vivre, un homme, n’a pas besoin de voler
et moins encore d’un côté à l’autre derrière sa bien-aimée.
Un homme doit avoir les pieds à la hauteur des pieds.

L’âme à la portée d’une brève caresse,
le soleil sur la terre à l’heure du soleil,
le corps et la parole tels des fleuves disponibles
et la nuit un rêve, une histoire d’amour.

Un homme a tous ses espoirs en l’homme.
Un homme a comme drapeau la liberté.
Il donne de l’eau à l’assoiffé et lutte pour un morceau de pain
et il aime, il fait comme s’il aimait mais il ne sait pas aimer.

Un homme, a dit la Poésie sévèrement,
un homme sait qu’il mourra et ça lui est égal.
Il sait qu’il meurt quand il écrit et, cependant, il écrit.
Il sait que chaque amour le tue et, cependant, il tombe amoureux.

Un homme, lui dis-je, ambitionne de voler
et bien qu’il ne puisse pas ça lui est égal.
Il ambitionne de voler, il aime l’illusion de voler.
Sentir à cet instant qu’un jour…

Un homme, Poésie, est capable de tuer,
il est capable de dévorer le cœur aimé,
d’enlever de sa bouche avec dégoût un baiser d’amour
et d’aimer, de ses amants captifs, l’argent.

Et un après-midi aussi , un homme
se laisse caresser par une brise, un air,
un sentiment le frappe en pleine poitrine
et le pauvre homme dans sa chute tombe amoureux.

Et il fait comme s’il avait du sang dans les veines
et il saute et il court et il se caresse avec frénésie
et il veut se livrer, totalement, par amour
et là, la police arrive et on le met en prison.

Tu me suis, Poésie ? C’est de l’homme dont nous parlons.
Il est capable de mourir pour de faux idéaux
capable de faire la guerre pour presque rien
de laisser mourir son autre moitié, en silence.

Il se met dans le centre du volcan et le défie.
Il veut traverser les océans avec son corps,
toucher l’immensité, le ciel avec ses vers
percer le ventre de la montagne, la pierre.

L’homme veut arriver avec ses battements
au centre inconnu de la terre,
à la vie intime de tous ses amants,
il veut arriver, au cœur des choses.

Et il tombe amoureux, Poésie,
et il pourrit comme une fleur au soleil
quand quelqu’un meurt ou l’abandonne.


Miguel Oscar MENASSA

Version française de Claire Deloupy




Volcánicos murmullos “de Miguel Oscar Menassa

samedi 17 novembre 2012

J'AI CHERCHÉ

                                                    À mon fils Pablo

J’ai cherché, obstinément,
un pas vers l’avant
et je n’ai rien pu trouver.
J’ai essayé, habilement,
de tomber des hauteurs
et je n’obtenais rien.
J’ai voyagé, follement,
par des rues impossibles,
sans trouver le ciel.
J’ai laissé, posément,
tout ce que j’aime
et tout ce que j’aime
est en moi.

Toujours au même endroit,
lointain et paisible,
regardant les étoiles,
toujours contre moi-même,
paralysé de terreur,
sans trouver le désir.
Sans personne qui arrache
de mes yeux, sans lumière,
des bandeaux obscurs.
Toujours caché
dans mon propre cœur,
sans issues à peine,
sans amour.

Je laisse des traces sur mes pas
et je me déclare en liberté.
Je ne veux plus tomber,
je ne cherche plus de cieux impossibles,
ni de lumières fascinées,
ni de pas en avant qui,
simplement,
soulagent ma douleur ou ma tristesse.

En pleine liberté,
éloigné d’humaines velléités.
Laissant,
comme s’ils étaient des symptômes éternels,
que mes grands amours,
fassent avec moi cette sieste de l’âme,
vivent, avec moi, cette douleur.


                    de Pleurs de l'Exil
 


              

lundi 10 janvier 2011

LE VÉRITABLE VOYAGE

                        
                         Attention! Attention!
                    nous sommes sur le point de sombrer.
Vous aviez cru,
que nous naviguions
sur un puissant transatlantique
et cependant je vous le dis:

ma vie  
est un petit radeau amoureux.

Je vois surgir entre les ombres
une lumière que personne n'éteindra.
Formée de vers et de parfums
comme des vents insondables
comme une cataracte de chair
abandonnée
qui enfin
trouve son royaume.


Règne de nuages
d'antiques parfums
et de parfums inconcevables.
Petits radeaux amoureux
toujours sur le point de sombrer.


Pour l'instant
ramer sera la seule passion
jusqu'à atteindre le poème
en ce mouvement.

Ramez jusqu'à rester sans forces et, là,
vous comprendrez le motif de ma passion.


Nous irons sur les plus beaux fleuves
et avec le temps
nous oserons les grands océans
la beauté des bourrasques en mer
et nous craindrons toujours de disparaitre,
petits, dans cette immensité qui nous entoure.


Savoir nager ou être grandioses
ne nous servira à rien
pour arriver
nous devrons
maintenir le radeau à flot
et nous nous maintenir
sur le radeau.
Voilà
tout le mystère.


Un jour le bateau se brisera
en mille fragments
et chacun devra apprendre
à se soutenir sur des morceaux de planche.


Si le poème est possible possible est la vie.

Ramez
agonisez en ramant
jusqu'à sentir que seul
c'est impossible.
Restez sans forces.
Regardez comme d'autres rament
et comme je rame moi-même
les mains ensanglantées par l'effort
sans repos
jusqu'à trouver dans ce mouvement
le poème.


Et chacun aura son petit radeau amoureux.
Maitre de sa vie et de sa mort
il peut s'étendre sur le radeau
pour toujours
ne plus ramer
et laisser les eaux
l'emporter n'importe où.


Et un autre ramant désespérément
en le voyant
écrira un poème.


Ramer dans n'importe quelle direction ne sert pas non plus.

La terre que promet
la poésie
est toujours la même.
On y arrive ou on n'y arrive pas.
Elle a besoin de rois
de centaures
elle se laisse seulement semer
par des révolutionnaires et des fanatiques
par des hommes qui sur sa terre
construisent leur maison et leur famille
leurs grandes illusions.


Celui qui répète ce qui est fait ne la trouvera jamais.

Ramez
pour arriver à cette terre
comme personne n'a ramé
et il vous sera offert
à votre arrivée
des mets qui n'ont jamais été
offerts à personne.


Et dans les nuits de désillusion
quand rien n'est possible
dans cette obscurité
demandez aux plus âgés
qu'ils vous racontent
des grands navigateurs
les anciennes prouesses
dans de petits bateaux de papier.


Chaque partie du chemin parcouru
aura ses dangers.
Rien ne sera facile pour le poète.


Viendra l'amour et il faudra s'éprendre
jusqu'à sentir que la chair
tremblante est un poème.
Et ainsi arrivera
l'inoubliable nuit
où pour un instant
cette passion sera la poésie.


Face au doute ne pas cesser de ramer.

Prendre dans nos bras
fortifiés comme des griffes
par la cruauté de l'exercice,
la personne aimée
et continuer à ramer
avec les dents si c'est nécessaire.
Avec le temps elle, aussi,
fera de l'exercice avec nous.


Ensuite, à deux, à trois,
entre tous,
une fois rompue l'immensité de l'unique
viendra la mort.
Et aucune vaillance ne vaudra
parce qu'elle se targue
d'avoir tué
tous les vaillants
à la première rencontre.
Et aucune lâcheté ne vaudra non plus
parce qu'elle tue tout ce qui fuit.


Pour rencontrer la mort
il est nécessaire
d'avoir appris quelque chose de l'amour:
Ni fuir. Ni s'en prendre à rien.
Apprendre à parler tranquillement
voilà ce qu'enseigne l'amour.

Quand elle s'approchera
et qu'elle viendra pour nous
avec son regard immense
comme elle-même est immense,
la laisser s'approcher
jusqu'à ce qu'elle écoute notre respiration
entrecoupée par la rencontre.
Et elle attendrie
comme c'est sa coutume
nous tendra la main
pour que nous accompagnions
votre majesté
à l'immutable
règne du silence.



quand s'abandonner
est le plus facile
regarder dans ses yeux
l'immensité qui lui appartient
et lui dire entre les dents:
Mort aimée
mon amoureuse
j'écrirai ton nom
sur tous les murs
j'embrasserai
sans crainte tes lèvres
comme jamais
aucun homme ne l'a fait
et je t'aimerai tu verras
entre le sang,
dans les grandes catastrophes
et je t'aimerai aussi
quand un blanc bourgeon
règnera sur ton cœur.


La grande émotion
qui parcourt son manteau noir
en se retrouvant dans un poème
font de la mort une femme.
Elle aussi terminera par ramer
tranquillement jusqu'à la rive
et elle partagera mon pain et mes amours
et elle volera durant les nuits
pour abriter en son sein,
ceux qui ont cessé de ramer
et elle reviendra
pour me rencontrer
et me raconter ses prouesses.


Comme si chaque fois
était la première
je recommencerai à respirer
comme respirent les athlètes
et l'ayant appris d'elle
je la regarderai attendri et je lui dirai:


Ma mort amoureuse
et elle
sera heureuse.


Ensuite il faut continuer à ramer.

Ils nous demanderont
et nous dirons:
nous avons été avec l'amour
et nous avons été, aussi,
avec la mort.
Au début ils ne nous croiront pas
ils diront que pour l'homme
c'est impossible.
Ils nous demanderont des preuves,
nous, nous leurs montrerons
comme si c'était le ciel
quelques poèmes
et nous réussirons par ce geste
qu'arrive jusqu'à nous
le temps de la moquerie.


De grandes embarcations qui ne cherchent rien
parce qu'elles croient avoir
passeront une fois et une fois encore près de nous
en essayant de couler avec leurs jeux
notre petit radeau amoureux.


Ils nous appelleront
de leurs luxueuses embarcations,
des noms
dont on nomme les déchets.
Poètes. Fous. Assassins.
Et dans le brouhaha stupide de leurs jeux
tout sera possible.
Ils nous jetteront quelques pierres
et ils se diront
rien ne les offense et furieux
ils nous crieront:
Battez-vous, lâches! Défendez-vous.


Et après mille fois et mille fois encore
les yeux exorbités
par la fatigue
et aussi par la surprise de voir
notre petit radeau amoureux
suivant son chemin
et nous,
y ramant tranquillement.


Après avoir traversé
sains et saufs le chemin de la moquerie
viendra je vous l'assure
le temps de l'or.


Lassés de leurs propres rires
ils voudront jouer à notre jeu.
Combien coute ce bois
sur le point de pourrir
que vous utilisez comme embarcation?
Et combien votre vie?
Combien ces vieilles cartes
de navigation
et combien ces poèmes?


Ils coutent, monsieur,
ce que coute à un homme,
cesser de s'appartenir
et se livrer au poème.


Combien d'argent cela coute-t-il?

Tout et aucun
peut-être votre propre vie.


Combien d'argent coute
ma vie alors?


Tout et aucun.
Votre vie est des paroles
comme toutes les vies
et, cela, si j'ai bien compris,
ne vaut rien.


Et combien d'argent coute penser ainsi?

Tout et aucun.
Il faut se plonger
ramer et ne rien attendre.
Voilà ce que ça coute.
Se plonger et ne rien attendre
dans les ténèbres,
vers une autre obscurité plus grande
le poème.


Une fois amoureux
l'amour et la mort
et rejetés l'or
et la moquerie considérés impurs
viendra et de nulle part
parce qu'elle
a toujours vécu avec nous
la folie.


Le pire de tous les détroits.
Elle surgit imprévue,
la surprise
étant la loi de son destin
et elle ne vient pour aucune lutte
parce qu'elle amène le désir
de se lier d'amitié avec le poète.


Et quand elle arrive
elle nous dit entre murmures
que son monde et le monde de la poésie
sont le même monde.


Face au doute il faut continuer à ramer.

Difforme elle se laisse modeler
par nos paroles
tandis qu'elle a aussi sa grandeur.

Je suis de l'amour, nous dit-elle,
ce déchainement
et la passion
éternelle de la mort.


J'ai pour habitude
de mépriser l'or
et cependant
l'ardent désir de tuer
qu'engendrent ses lois
est intoxiqué de folie.


Là, elle et la poésie se ressemblent.

Au moment de se rejoindre
dans notre regard,
comme si elles étaient une seule chose
la poésie, vieille louve de mer,
rame un moment avec nous
pour nous montrer
que la folie
depuis qu'elle est arrivée
reste dans le même coin
sans ramer
se rappelant tout le temps
son passé.


Contents
d'avoir compris
la différence
nous enfermons la folie
dans un poème
et nous continuons à ramer
jusqu'à ce qu'un jour
convaincus de sa maladresse pour la navigation
nous la livrons
à l'amour et à la mort
pour que la folie
apprenne à voler. 


                                           Miguel Oscar Menassa





                                         - Rébellion de mots -
                                                                   Miguel Menassa


samedi 27 novembre 2010

LE SEXE NE TOMBE PAS

                                                          

                                  1

L’enseignement le plus grand que j’ai à vous donner
c’est que le sexe ne tombe pas.
Il se développe, se transmute, devient insensible,
pleure, bâille d’ennui, se libère trop.
Il attrape des maladies, guérit, se repentit,
il est homme et il est femme et il ne sait rien de l’amour.
Il veut être femme quand il doit être homme
et il veut être un homme quand il doit être enfant
et mère il veut être quand il est femme
et s’il doit être femme il veut être enfant,
serpent ou sorcière il veut être et putain
et il veut être n’importe quoi
à condition de ne rien savoir de ça.

                                  2

Mais le sexe ne tombe pas :
il se livre, il se soumet,
il réduit en esclavage tous les sens
pour demeurer là,
caché ou éclatant en morceaux,
dépecé et seul,
dressé et ferme, toujours impuni,
totalement ouvert aux caresses,
au baiser, à la tendresse,
ou bien presque fermé, obscur, mou,
faible, sur le point d’échouer partout
et il s’enferme en lui-même
et avec une main il se masturbe
et avec l’autre main il attend
et il se masturbe
et il semble même que l’homme
meurt ainsi, tout petit, appauvri
sans rien à dire, sans âme.

                                    3

Et, cependant, je vous dis :
le sexe ne tombe pas
et, si ça sert à quelque chose,
moi-même je serai l’exemple.
Parfois, je le crois aussi :
Je suis un grand homme, me dis-je,
je suis un grand homme et, le lendemain,
je me lève perclus et douloureux
comme si un train chargé
de marchandises dangereuses
m’était passé dessus.

                                   4

Très peu de choses parlent de moi
avec une certaine clarté.
Mes amours sont très passionnés,
je ne peux trouver en eux,
même s’il y en avait,
aucune intelligence et
ma propre intelligence est entravée,
par manque de passion.


                                  5

Avec l’argent, ce qui m’arrive,
c’est que je ne sais jamais qui il est :
si moi, parce que je le gagne,
ou elle, parce qu’elle le dépense.


                                 6

Et, ensuite, il y a ces après-midi glorieuses
où je ne peux pas reconnaître comme m’appartenant
ma propre peau.
Elle, elle se met en moi mais seulement
pour qu’une autre femme la caresse.
Et l’autre femme me caresse
après s’être rendue compte que, en moi,
tout ce qu’on me donne c’est elle qui le reçoit.
Après ces rencontres,
où tout le monde jouit et moi,
je ne me rends compte de rien,
nous traversons des instants de paix
où la musique arrive jusqu’à nous
et nous restons comme suspendus
à un récit dramatique.

                                   7

Elles
essaient sur elles-mêmes
des manœuvres de violence,
sans se regarder dans les yeux,
sans se rendre compte que je suis en train de les regarder
et moi, pauvre homme, amant de la solitude,
je ne comprends pas pourquoi il m’arrive ces choses-là.

Et elle et l’autre sourient traîtreusement
et se disent l’une à l’autre qu’elles m’aiment.

                                   8

Au moment de nous déshabiller, nous sommes libres :
elles, elles se regardent de profil dans le miroir,
et moi, extasié, je tombe à genoux et je m’adore,
mais le sexe ne tombe pas.


MIGUEL OSCAR MENASSA

Du livre "LA MAESTRÍA Y YO"
Traduction de Clémence Clonis
Publié sur POÉSIE ESPAGNOLE                
"Punto de encuentro" - MOM