Ne te suicide pas, Seigneur, voici qu’apparaît une orchidée parmi les ruines,
Ne te suicide pas, Seigneur, voici que renaît le ruisseau dans le cratère d’une tombe,
Ne te suicide pas, Seigneur, le ciel a mis du givre sur sa balafre, l’océan a guéri sa blessure d’un bandage de corail.
Ecoute, Seigneur, ton univers qui était enfantin comme le cartilage, le voilà revenu de sa première fougue, de sa grande désobéissance ;
Les comètes continuent de voyager comme des berlines après une halte au carrefour de deux paniques,
L’azur n’en est que plus profond, d’avoir été un peu rapace,
L’aurore n’en est que plus belle, d’avoir failli ne jamais revenir.
Tout n’a pas tellement changé, Seigneur;
Regarde ce hameau, combien de cascades pourraient naître dans sa mare, combien de peupliers dans son ortie?
Tout n’a pas tellement souffert, Seigneur;
Déjà l’épi de blé pousse dans l’orbite de ceux qui moururent de faim,
Déjà les fillettes sautent à la corde sous les ombres de ceux que l’on décapita…
Tout n’est pas tellement tragique, Seigneur,
Puisqu’il y a la route sans fin où même l’exil est oublié,
Puisqu’il y a le vent si doux que même les soupirs y sont joyeux,
Puisqu’il y a tout ce qui hurlent l’immense plaisir d’être vivant !
Alain Bosquet (Russie, 1919-1998)
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