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dimanche 1 mars 2009

JOUER À AIMER

Au de-là de mes yeux
Qui es-tu ?
Qui te connais?

Si je ne jouais pas à ce jeu
de faire comme si je t’aimais

Dans quel immense oubli
tomberais-tu, toi et ton nom?


C’est le dernier jour que je t’attends,
La fourchette me regarde
avec une infinie tristesse entre les dents.

Nous avions dit huit heures et demi d’hier
et c’est aujourd’hui et tu n’es pas venu.

J’inspire aux murs
une compassion
violette et mélancolique.

Ne t’inquiètes pas
alors que je t’attendais

sachant avec certitude
que tu n’arriverais jamais

et sans arrêter pour cela de t’attendre,
j’ai écrit quatre ou cinq poèmes.

L’un d’eux aurait ta manière de
s’arracher la barbe, si tu n’étais pas imberbe,
et un autre ta manière exacte,
d’arriver en retard à tout.

Les oreillers revêtent un sillon
d’inappétence au milieu du front.

Nous avions dit huit heures et demi d’hier.
Cent ans ont passé et tu n’es pas venu.

J’ai écrit plusieurs livres.

L’un porte ton nom
mais aucun n’est ton fils.

Quel improbable
t’occupe donc ?

Es-tu donc mort ?

Ma spécialité
c’est de t’attendre.

Je sais attendre debout, couchée
je sais attendre mélancolique, furieuse,
je sais attendre comme si je n’attendais pas.

Si tu venais, si réellement tu arrivais,
serais-je préparé pour la rencontre ?

J’ai une peur atroce et quotidienne.

Une peur de voir tourner les saisons
et moi, de rester tranquille,

au cas où tu viendrais,
au cas où tu te déciderais
à me briser le cœur.

Mon amour ne peut plus que ton souvenir.

ALEJANDRA MENASSA DE LUCIA
(Traduction de Claire Deloupy Marchand)
Madrid, 5-7-04

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